Une rencontre, des non-dits

14 - Octobre - 2019

Invité par le Président Macky Sall, Me Adoulaye Wade s’est rendu samedi dernier, au palais de la République où il s’est entretenu pendant trois tours d’horloge et demi avec son successeur. A l’issue de la rencontre, une déclaration conjointe a été lue devant la presse, mais avec beaucoup de non-dits.

17h 10. Le convoi de Me Wade roule à vive allure sur le Boulevard de laRépublique. Les portes du Palais grandement ouvertes, Abdoulaye Wade, à bord de son rutilant «4X4 Escalade» suivi de gros pick-up «Ford», entre dans cette bâtisse qu’il connait mieux que quiconque pour y avoir séjourné pendant 12 ans. Certainement nostalgique, sept ans après, des honneurs du Palais avec ses gardes rouges en position de repos, les gendarmes aux aguets et tout le protocole présidentiel, le Pape du Sopi, tout de blanc vêtu, écharpe autour du cou, est accueilli sur le perron du Palais par son ancien fils putatif et successeur Macky Sall. Comme si les deux hommes s’étaient passé le mot, le N°1 des apéristes aussi a arboré une tunique blanche. Sous le feu des projecteurs et des photographes venus immortaliser le moment, les deux hommes franchissent les marches tapissées de rouge, prennent une pause-photo sur le hall et s’engouffrent dans les salons douillets du Palais de la République. Vers 20h30, Abdoulaye Wade et Macky Sall sortent pour faire une courte déclaration commune à la presse. C’est d’ailleurs le chargé de communication du Parti Démocratique Sénégalais (Pds) Mayoro Faye qui a eu l’honneur de lire la note dans laquelle les Présidents Macky Sall et Abdoulaye Wade se réjouissent de la rencontre qu’ils estiment toute empreinte de fraternité et de sérénité. Ils ont aussi remercié vivement le khalif général des mourides, Serigne Mountakha Bassirou Mbcaké qui les a invités tous les deux à l’inauguration de la Grande Mosquée Massalikoul Jinaan, facilitant ainsi leur rencontre en sa présence.

Au cours de leur entretien, les deux hôtes disent avoir fait un large tour d’horizon de la situation politique nationale caractérisée par les questions relatives au processus électoral et au statut du chef de l’opposition qui seront reprises dans la cadre du dialogue national. Aussi, le Président Abdoulaye Wade a-t-il fait des recommandations au Président Macky Sall pour qu’il déploie tous les efforts nécessaires à la maitrise de la gestion du pétrole, du gaz et des autres ressources naturelles. Les deux personnalités ont également abordé la situation sous régionale et africaine dominée par des enjeux sécuritaires. Constatant leur parfaite convergence de vue sur la question, ils s’engagent à unir leurs forces pour le retour de la paix et la consolidation de la stabilité. Ils exhortent tous les Sénégalais et tous les Africains à cultiver la paix en privilégiant le dialogue et l’intérêt de l’Afrique. Avant de se séparer, le Président Macky Sall a tenu à remercier chaleureusement le Président Abdoulaye Wade pour avoir accepté de venir le rencontrer. En retour, Me Wade a exprimé toute sa gratitude à son successeur de l’avoir invité au Palais de la République avec tous les honneurs. Et ce dernier a promis au pape du Sopi une visite retour à son domicile, à une date à convenir.

DES NON-DITS!

Juste, qu’au-delà du caractère symbolique de cette rencontre, tout ce qui est passé samedi dernier laisse plutôt entrevoir une mise en scène pour ne pas dire une mise en œuvre d’un deal qui ne dit pas son nom. En effet, Abdoulaye Wade ne cherche qu’à faire revenir son fils en «exil forcé» au Qatar afin qu’il retrouve ses droits civiques et politiques et qu’il puisse participer aux prochaines échéances électorales. Pour ce faire, il faudrait à Karim Wade une amnistie afin que la condamnation dont il fait objet cesse de peser sur lui et qu’il ait la possibilité d’être un vrai acteur du jeu politique. Loin de la virtualité avec laquelle il arrive à gérer bon an mal an l’appareil de son pater, le Pds, et à garder le ton dans l’espace public. A vrai dire, la grâce présidentielle ne suffit pas dans la mesure où elle ne fait disparaitre que la peine ; mais il subsiste les 138 milliards d’amende que lui a infligée la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei). Aujourd’hui, le déroulement des évènements laisse encore croire que le protocole de Conakry est bien une réalité et qu’on assiste subtilement à son exécution. Sinon, qu’est-ce qui peut expliquer que Me Wade appelle à un sabotage du scrutin présidentiel de 2019 pour se rétracter tout d’un coup et faire un appel au boycott de la Présidentielle. Un boycott d’ailleurs favorable au Président Macky Sall qui a remporté le scrutin dès le premier tour. Il est évident que si le pape du Sopi avait décidé de battre campagne et de soutenir un camp, on aurait assisté à un autre scénario. Le Président Guinéen, Alpha Condé, approché par des confrères sénégalais, avait indiqué qu’il avait fait ce qu’il fallait et qu’il appartenait désormais aux concernés Wade et Macky de gérer le reste.

Après toutes ces années de dissension et de friction frisant parfois même la haine, une rapide conciliation comme c’est le cas aujourd’hui ne pouvait pas venir d’un simple claquement de main. Certes, le Khalife général des Mourides a joué un grand rôle ; mais une telle conciliation est le fruit d’un long processus avec de nombreux acteurs qui ontjoué le rôle de médiateurs Et au final, il serait crédule de penser que ces deux génies politiques, fins calculateurs, ont accepté de se réconcilier sans au préalable qu’il y ait des compromis. Dans ce jeu, les «Wade» n’ont pas été ridicules et ont usé de toutes les cartes en main, n’hésitant même pas à perdre des fidèles parmi les fidèles. L’histoire donne ainsi raison à Oumar Sarr, Me Amadou Sall, Babacar Gaye et Cie qui ont été les dindons de la farce. Et ce revirement du patriarche libéral qui, avec le Pds, entre par la petite porte pour rejoindre les concertations nationales, ne conforte que l’idée selon laquelle ce n’est pas le dialogue en soi qui était le problème ; mais plutôt obtenir des garanties pour «Wade-fils» et nouveau porte-étendard du Pds. Toutefois, en ferrant le Pds et son appareil, Macky Sall possède désormais toutes les cartes en main. Dans la mesure où toute nouvelle brouille avec l’actuel chef de l’Etat ne fera que décrédibiliser le peu qui restait de la formation «bleu-jaune» qui, dans un temps pas très lointain l’a dépeint comme un diable, avant de revenir aujourd’hui le laver en grande eau. Wade qui, à ses risques et périls, est entré dans son jeu, sera obligé de le laisser dérouler. De ce ce fait, le pape du Sopi devra être plus diplomatique et moins radical .

STATUT DU CHEF DE L’OPPOSITION

Le rapprochement «Wade Macky» peut aussi permettre de faire peser la balance du côté du Pds quant à la désignation du chef de l’opposition. D’autant que le débat est déjà posé et que les Rewmistes ne cessent de réclamer ce statut pour leur leader Idrissa Seck qui, selon eux, avec sa deuxième place à l’issue de la présidentielle, devient naturellement le chef de l’opposition. Là où les libéraux revendiquent le titre en invoquant le fait qu’ils soient la deuxième force politique à l’Assemblée nationale. A préciser que lors de la rencontre de samedi dernier, Macky Sall avait à ses côtés Augustin Tine, Seydou Gueye et Aly Ndouille Ndiaye. Là où Wade était accompagné de Nafi Diallo, Mayoro Faye, Aliou Diop, entre autres. La composition de la délégation de l’ancien chef de l’Etat renseigne ainsi sur l’effritement du Pds qui n’a plus de ténors autour de son Secrétaire général. Une situation apparemment voulue pour préparer le terrain à Karim Wade.

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