Les errements de l'ARMP

13 - Novembre - 2019

En cette veille de la première Assemblée générale du Réseau africain de la commande publique (Racop) qui réunira, du 14 au 17 novembre à Dakar, 53 pays africains ainsi que les partenaires techniques et financiers, l’Armp est encore sous le feu des projecteurs. Aujourd’hui, force est de constater que la belle image de cette institution a été mise à rude épreuve.

Il fut un temps, ses rapports étaient attendus, guettés, scrutés par nombre d’acteurs de la commande publique, de la société civile, voire de simples citoyens soucieux de savoir comment leurs deniers sont gérés par les pouvoirs publics. Depuis quelque temps, ces rapports de l’autorité de régulation des marchés publics (Armp) ne sont plus aussi séduisants, attractifs. Même pas pour la presse, avide pourtant d’informations chaudes. Et depuis 2014, les choses semblent aller de mal en pis. Si ce n’est les ‘’réformes déconsolidantes’’ qui exaspèrent la société civile, c’est tout simplement le silence étonnant et assez étrange de l’autorité qui rechigne à publier annuellement ses rapports. En atteste l’omerta sur le rapport 2017 qui devait, normalement, être porté à la connaissance du public depuis belle lurette.

Finalement, la gendarme des marchés publics a décidé de briser le silence, en ce mois de novembre, informait ‘’Les Echos’’ dans son édition du week-end dernier. L’Armp confirme, mais refuse de donner plus de détails quant à la date de la publication.

En tout cas, certaines voix n’ont pas tardé de s’élever, suite à cette annonce. Elles parlent plutôt de divertissement et de dilatoire. Selon leurs dires, si l’Armp s’est résolue à publier ledit rapport prochainement, c’est surtout pour dévier l’attention, en cette veille de l’Assemblée générale du Réseau africain de la commande publique (Racop). Elle ne souhaiterait pas que ses failles soient exposées sous les projecteurs durant cette rencontre internationale sur la transparence et l’efficacité dans l’exécution des marchés publics. Première du genre, cette Ag sera organisée à Dakar du 14 au 17 novembre 2019.

Il s’agit, selon une note dont ‘’EnQuête’’ détient copie, des institutions en charge de la commande publique de 53 pays africains qui ont choisi le Sénégal pour accueillir la première Assemblée générale du Réseau africain de la commande publique (Racop). A noter que le Sénégal assure la présidence de cette structure régionale depuis sa création.

Pendant ce temps, les services de l’Armp bottent en touche et nient toute corrélation entre les deux évènements (l’organisation de l’Ag du Racop et la décision de publication du rapport 2017).

Pourquoi donc avoir attendu tout ce temps ? Deux raisons sont avancées par l’Autorité de régulation des marchés publics. D’une part, les retards sur les observations des autorités contractantes qui ont été auditées. D’autre part, et c’est là une grande innovation du rapport 2017, d’après notre interlocuteur, c’est la prise en compte des délégations de service public. Suffisant pour que ses détracteurs parlent ‘’d’aveu d’échec’’ du gendarme des marchés qui ne fait que se décrédibiliser davantage.

En effet, soutiennent ces spécialistes, l’Armp est certes tenue par le principe du contradictoire, mais les autorités contractantes ont un délai pour réagir suite à la notification du rapport provisoire. Si elles ne font pas leurs observations, l’Armp doit en tirer toutes les conséquences et publier ses conclusions.

Quid maintenant du rapport 2018 ? L’Autorité de régulation des marchés publics donne sa langue au chat. ‘’Nous travaillons actuellement sur la publication du rapport 2017’’, se borne à signaler notre interlocuteur qui rappelle les procédures de production des rapports. ‘’A la clôture d’un exercice, nous recrutons un cabinet. C’est ce cabinet indépendant qui va réaliser l’étude, avant de renvoyer ses résultats provisoires aux autorités contractantes pour qu’elles puissent faire leurs observations. C’est à la suite qu’un rapport définitif pourra être établi. Comprenez donc que les choses sont assez complexes’’, se défend le proche de la direction.

Toujours est-il que cette complexité n’a jamais été un prétexte à la non-publication du rapport. D’autant plus que l’exigence d’établir des rapports chaque année relève des dispositions législatives. Il ressort, en effet, de l’article 145 du décret n°2014-1212 du 22 septembre 2014 portant Code des marchés publics que : L’Armp est chargée, entre autres missions, ‘’de commander, à la fin de chaque exercice budgétaire, un audit indépendant sur un échantillon aléatoire de marchés, de saisir les autorités compétentes au niveau national ou de l’Uemoa de toutes infractions ou irrégularités constatées au cours des enquêtes et contrôles effectués, de tenir la liste des personnes physiques et morales exclues des procédures de passation, de rendre compte des contrôles effectués dans un rapport annuel transmis au président de la République, au président de l’Assemblée nationale, au Premier ministre, au ministre chargé des Finances et au président de la Cour des comptes’’. ‘’Le rapport donne ensuite lieu à publication’’, indique enfin la disposition. Depuis 2018, l’opinion attend cette publication. Mais en vain ! L’organe de régulation a préféré s’assoir sur la légalité, pour ne pas gêner le pouvoir, à la veille de l’élection présidentielle passée, semblent convaincus certains acteurs.

Ceci est le dernier épisode d’une longue série de violations dont s’est rendue coupable l’autorité en charge de la régulation des marchés publics.

Pour rappel, depuis février 2017, son directeur actuel, Saër Niang, devait être remplacé. Mais le gouvernement est resté sourd, malgré les multiples appels de la société civile. Par décret n°2017-349, le président de la République passait outre l’article 24 du décret 2007-546 du 25 avril 2007 portant organisation et fonctionnement de l’Armp. Il ressort de l’alinéa 1er de cette disposition que ‘’la direction générale est assurée par un directeur général recruté sur appel d’offres par le Conseil de régulation, sur la base de critères d’intégrité morale, de qualification et d’expérience dans les domaines juridique, technique et économique des marchés publics et délégations de service public’’. L’alinéa 2 poursuit en ces termes : ‘’Le directeur général est nommé par décret, sur proposition du Conseil de régulation, pour un mandat de 3 ans renouvelable une fois.’’ Nommé en janvier 2011, Saër Niang, installé en février de cette année, devait quitter depuis février 2017. Son maintien en poste fait ainsi l’objet de controverse, depuis des années. Il s’y ajoute certaines de ses sorties hasardeuses dans lesquelles M. Niang s’indignait contre un ‘’traitement sensationnel’’ des rapports qui énerverait certaines autorités épinglées. Il envisageait même des mesures correctives.

Par ailleurs, il convient de préciser que les réformes de 2014 avaient aussi scandalisé plusieurs responsables de la société civile, car relevant le seuil de passation et de contrôle des marchés publics. A l’époque, les autorités se défendaient en invoquant les lenteurs dans les procédures de passation des marchés. ‘’Il a été constaté, de façon récurrente, soulignait le rapport de présentation du décret, des difficultés pour les autorités contractantes de mener à bien leurs procédures de passation de marchés et, partant, d’absorber les crédits mis à leur disposition, en raison notamment de la lourdeur desdites procédures’’.

Face à ce constat, commentait le rapport, et dans un souci d’efficacité des procédures de passation des marchés publics, il a été jugé nécessaire d’abroger le décret n°2011-1048 du 27 juillet 2011 portant Code des marchés publics et de le remplacer par un autre. ‘’Ce projet met l’accent sur la réduction des délais, l’allégement des procédures et la responsabilisation des autorités contractantes à travers, notamment, le relèvement des seuils d’application des procédures du Code des marchés publics, avec toujours comme principes directeurs le libre accès à la commande publique, l’égalité de traitement des candidats et l’économie’’, ajoutait l’exposé des motifs.

Plus de cinq ans après, le président de la République monte au créneau pour sommer ses poulains de faire dans le Fast track. Ce qui veut dire que le rythme de la commande publique n’avance toujours pas à son goût, malgré le code de 2014. En attestent les lenteurs dans les délais de réception de certains travaux comme celui du Train express régional.

Pour toutes ces raisons, le gendarme Armp dont les décisions étaient craintes et redoutées par toutes les autorités contractantes, ne fait plus peur.

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